D’abord, prenons bien conscience de l’épreuve vécue par beaucoup : deuils, peur de la maladie, peur de la crise économique, des personnes âgées quittant ce monde sans être entourées de leurs proches et pour les croyants sans secours spirituel.
C’est important car il y aurait de l’indécence à ne voir dans cette crise qu’une « formidable opportunité » (d’unité, de solidarité, …). Et pourtant, nous devons bien nous demander en même temps comment traverser cette crise et donner le meilleur de nous-mêmes aux autres en gardant espérance et bonne humeur dans la mesure du possible : osons citer Baden Powell : la bonne humeur est aussi contagieuse que la rougeole…
Alors que faisons-nous de ce moment et quels enseignements pour nos métiers des risques et de l’assurance ?
Faire face au risque, l’assumer
Ce scénario de pandémie était connu et il n’est pas certain que nous y étions suffisamment préparés…. Dans les métiers du risque d’entreprise, on vit les mêmes problèmes : souvent les catastrophes déroulent des scénarios pré-identifiés que l’on n’a pas voulu voir, ou qui ont fait les frais d’arbitrages budgétaires « court termiste ».
Valoriser l’expertise sans en être prisonnier
Sur des sujets techniques comme la santé ou les risques d’entreprise tels qu’incendie, collision durant le transport…, l’expertise est indispensable. Mais à la fin c’est le décideur qui doit se faire une opinion en responsabilité, avec ses intuitions, ses valeurs. Alors que les scientifiques en recherche nucléaire ont expliqué par a + b au Général de Gaulle toutes les difficultés techniques empêchant d’avancer sur le programme, ce dernier s’est fait sa propre opinion pour finalement, « en s’y prenant autrement », parvenir à suivre son planning et non celui des experts. Primauté donc à la décision du leader en considérant le bien commun. Sur la crise sanitaire, nous avons vu toutes les discussions, les positions contradictoires des experts sur ce qu’il fallait faire ou ne pas faire en termes de prévention et de soins en santé. A la fin, c’est le leader qui doit trancher, idéalement en ayant filtré les informations, exercé son jugement et considérer le bien commun. Pour revenir aux risques d’entreprises classiques, réalisons-nous des cartographies de risques en étant davantage mus par la nécessité d’être conforme aux règles, de « cocher la case » au risque de rester seulement collés à l’expertise ? Ou bien, ne devons-nous pas chercher à utiliser les informations collectées pour des prises de décisions avec les leaders afin de vraiment créer de la valeur en évitant ou réduisant les risques au bénéfice des salariés et de l’environnement en général ?
Donner du sens
Les conséquences financières de cette pandémie pour les entreprises ont conduit à des attentes et des challenges forts vis-à-vis de l’assurance sur la prise en charge de la perte d’exploitation. Des leaders de l’assurance ont répondu en fournissant des explications avec des propositions pour l’avenir. Mais sur le fonds cela ne souligne-t-il pas une incompréhension toujours forte de ce métier essentiel qu’est l’assurance pour l’économie ? Je me souviens que lorsque j’étais étudiant à Sciences Po, l’assurance n’était abordée qu’en tant qu’Investisseur Institutionnel, sans aborder son fonctionnement.
Parvenir à une meilleure compréhension de l’assurance, de ses mécanismes et de son modèle ne passe-t-elle pas par s’interroger sur ses fondamentaux : par exemple, comment comprendre l’assurance si son périmètre dédié à l’assurance des entreprises reste structurellement déficitaire depuis des années ?
Alors que la matière première de l’assurance sont les données, comment accepter que toutes les données disponibles ne soient pas utilisées et valorisées avec tous les outils innovants comme l’Intelligence Artificielle, afin de permettre une meilleure connaissance des risques et de leurs coûts ?
Cette meilleure connaissance du risque et de son coût bénéficiera bien sûr aux assureurs dans la gestion de leurs propres engagements mais aussi à leurs clients entreprises. Au-delà des challenges liés à la crise sanitaire, l’assurance, ancrée sur ses fondamentaux, valorisant son expertise et tout son potentiel d’innovation peut accroître la valeur qu’elle apporte au service du bien commun (société, entreprises, personnes), en clarifiant son rôle et en générant davantage de confiance.
Laurent Barbagli